Les Palmistes Noirs du Piton de Takamaka (Par Jean-Pierre RIVIÈRE)
Rendez-vous était donné pour une randonnée plutôt musclée du coté de Saint-Philippe. Plus de 1000 mètres de dénivelés positifs et négatifs dans le but d’aller admirer les palmistes noirs du Piton de Takamaka. Cet endémique a été mis en grand danger par la récolte non contrôlée de son cœur réputé comme l’un des meilleurs au monde avec son goût de noisette.
Le long du sentier, les espèces rencontrées sont des pionnières caractéristiques des récentes coulées de lave : le petit bois de rempart, arbrisseau peu ramifié aux jolies fleurs rouges en forme de clochettes, le bois de papaye, le bois de piment, … Une fougère attire particulièrement notre attention, il s’agit de Blechnum tabulare, une jolie fougère indigène des Mascareignes au port très caractéristique. Des d’orchidées terrestres s’installent aussi dans ce milieu ouvert et rocailleux : Angraecum ramosum, endémique des Mascareignes, ainsi que Arundina graminifolia, importée d’Asie comme plante ornementale et naturalisée aujourd’hui.
Après trois heures de marche, nous sommes à présent dans une forêt plus humide au milieu des Pandanus montanus et des palmistes noirs. Là, tout le monde est stupéfait par le paysage. Les Acanthophoenix crinita couvrent des kilomètres carrés. Il y en a partout et à tous les stades de croissance. Nous sommes abasourdis et émerveillés par ce spectacle. La taille et la forme des sujets, peu habituelles, nous font nous interroger sur l’âge des plus grands, probablement centenaires voire même plus.
Le polymorphisme de ces palmiers peut parfois nous surprendre dans le milieu naturel et le doute s’installe vraiment face à certains sujets. Mais l’une des clés d’identification du palmiste noir réside dans l’observation de ses feuilles marquées par la présence d’épines dispersées sous les folioles de couleur vert clair, aussi bien au niveau de la face supérieure qu’inférieure. En comparaison, son proche parent le palmiste rouge, Acanthophoenix rubra, présente des folioles de couleur plutôt glauque en dessous.
Au retour, nous cheminons toujours à travers les palmistes noirs qui sont de taille plus modeste maintenant. Cela n’empêche pas le braconnage des sujets situés le long du sentier. Nous en dénombrons au moins quatre et c’est récent, les palmes laissées au sol sont encore vertes. Les braconniers ont tout laissé sur place. Notre colère est immédiate. Cette pratique semble malheureusement toujours perdurer. Pourtant plusieurs contrevenants ont déjà été verbalisés par des agents assermentés du Parc National pour avoir illégalement coupé des choux de palmistes.
La randonnée fut un peu éprouvante pour les muscles et les genoux, mais cela a été très vite occulté par le spectacle grandiose qui n'a pas manqué d'émerveiller chacun d'entre nous ! Nous rentrons.