Du Tremblet au Puits Arabe (Par Jacqueline DALLEM)

En ce samedi 28 juillet 2013, une quinzaine de personnes participent à la sortie botanique organisée par Thierry au Tremblet. Lauricourt, un des animateurs de la sortie, fait entrer le groupe dans un sous-bois où s’élèvent, au milieu de pandanus et de sapotiers, deux palmiers endémiques de la Réunion : des palmistes cochons. Ces sujets aux stipes (troncs) grêles, de couleur grise et qui s’élancent vers la lumière doivent être âgés d’une cinquantaine d’années. On estime que chaque année, ces palmiers gagnent 50 cm.
Pourquoi « palmiste cochon » ? Souvent, à la Réunion, on donnait autrefois cet attribut aux plantes que l’homme ne pouvait consommer et qui n’étaient bonnes qu’à nourrir les cochons. Qui n’a jamais entendu parler de patate-cochon (cette liane qui pousse sur les plages comme la patate à Durant) ? On a aussi des goyaviers-cochons… Le choix de ce nom vernaculaire selon Karl TELEGONE aurait une autre origine liée à la forme de sa graine qui présente une petite queue évoquant l’appendice caudal du porc, la pulpe du fruit aurait été consommée autrefois par les enfants. Le palmiste cochon est aussi appelé « palmiste poison », en rapport avec les vertus vomitives de son chou. Son nom latin est Hyophorbe indica. Il serait assez commun dans la nature.

Nous partons ensuite sur le sentier du littoral en direction de St Philippe, et une pluie torrentielle s’abat sur le groupe. Malgré la boue, les passages glissants et les petits dénivelés, la joyeuse troupe ne se décourage pas, récompensée par la beauté de la végétation et les vues sur la côte sauvage.
On marche au milieu des fougères parmi lesquelles la fameuse «patte de lézard» Phymatosorus scolopendria. On peut aussi observer le «gâte ménage» plus discret  et la Ctenitis cirrhosa dont la fronde peut dépasser 1 m de long et dont le limbe peut posséder jusqu’à 25 paires de pennes. Le tabac-bœuf Clidemia hirta est omniprésent. Cette mélastomatacée, dont les feuilles luisantes aux nervures bien marquées sont très jolies, aurait été introduite en 1994 ; c’est une véritable peste végétale !
Nous progressons sur des rochers moussus, sur les tapis mous de feuilles humides des vacoas. Puis nous entrons dans une zone colonisée par la Nephrolepis abrupta, cette fougère à courtes et larges pennes qu’on trouve dans les anfractuosités des coulées volcaniques, même des plus récentes.
Les troncs rouges tachetés des pieds de goyaviers Psidium cattléianum jalonnent une grande partie du parcours. Les vacoas Pandanus utilis aux racines aériennes ont des allures parfois insolites. De temps à autre, on rencontre un bois de natte. À plusieurs reprises, il faut traverser de petites ravines bien alimentées par les pluies récentes. Dans cet univers se complaisent les dieffenbachias, qui font de jolies taches vertes blanches dans le décor.

Bientôt, sur les coulées de laves apparaissent des surfaces de manioc bord de mer Scaevola taccada, qui sont en fleur ou en fruits... Le vert sombre des feuilles de songe Colocasia esculenta se découpe sur l’herbe plus claire. Ces songes là ne sont pas comestibles. Plus rarement on aperçoit un latanier.
Puis c’est le règne du filao Casuarina equisitifolia, «casuarina» parce qu’il rappelle le «casoar» oiseau australien aux plumes filiformes. Il croît dans les endroits les plus surprenants, dans les anfractuosités de basalte, et même sur les coulées les plus récentes.
Sur la fin, le chemin est bien plus confortable. Nous marchons sur la coulée de mars 1986 ; des laves de 1000°C se sont déversées dans l’océan, la coulée est devenue une rivière de pierre et elle a agrandi l’île de 25 ha. La Pointe de la Table s’est avancée de 200 m dans l’océan. On marche sur de la lave cordée, filaos et pandanus ombragent le parcours. Sur les roches noires des pêcheurs ont installé leurs cannes. Malgré la violence des vagues qui se fracassent contre la côte, on aime s’asseoir au bord de l’eau en espérant avoir une prise. Le chemin longe des orgues basaltiques à plusieurs reprises.
Les premiers arrivés attendent le reste du groupe sous un kiosque. Puis tout le monde prend la direction de Mare Longue pour rejoindre le restaurant «Le Palmier» où l'Association a coutume de se retrouver après les excursions dans le Grand Sud.