Carte postale du Sultanat d'Oman dans les pas de Wilfred THESIGER
(par François SCHMITT)
Depuis longtemps un rêve m'habitait ; découvrir un désert, escalader de grandes dunes de sable, traverser ces espaces magiques en quête d'une oasis surgie de nulle part ; un rêve à la fois dérisoire et magnifique, sans doute inspiré par la lecture des albums de "Tintin" dans mon enfance... Et ce rêve a pu, en partie, devenir réalité à l'occasion d'un récent voyage de deux semaines en péninsule arabique, voyage au cours duquel nous avons principalement exploré la zone du Jebel Akhdar, montagnes superbes culminant à 3 000 mètres, dans la partie nord du Sultanat d’Oman, paysage essentiellement minéral (on est loin des remparts verdoyants de notre île !), accidenté, offrant au randonneur quantité́ d'itinéraires plus ou moins engagés.
Une randonnée dans des terrasses abruptes du plateau de Sayq, reliant plusieurs villages, nous permet de découvrir la culture du grenadier et des rosiers (ces derniers pour la fabrication d'eau de rose, utilisée aussi bien dans l'alimentaire que la parfumerie). Une autre nous fait découvrir après une belle et rude marche, une palmeraie superbement entretenue, véritable écrin de verdure caché au fond d'une vallée, dominant un chaos aride de blocs rocheux énormes... Ces terrasses de Phoenix dactylifera sont arrosées par un savant système de canaux d'irrigation (falaj) et forment cette fameuse oasis du bout du monde dont je rêvais...
D'autres randonnées nous familiarisent avec les wadis (ravines) dans lesquels nous crapahutons parfois plusieurs heures pour aboutir à des vasques grandioses où la baignade, au pied de falaises de plusieurs centaines de mètres, n'a rien à envier à la baignade dans les lagons tropicaux ou dans les lacs de montagne des Pyrénées... Que dire des bivouacs, entre 0 et 2 000 mètres d'altitude ; sur la plage de sable blanc de Fins, ou dans un wadi, cernés par les chèvres terriblement intéressées par notre repas du soir, ou sous les oliviers et genévriers du plateau de Sayq, un soir de pleine lune, sous le regard d'ânes débonnaires et peureux, ou dans les sables ocres du désert…
Comment ne pas apprécier la marche de trois heures dans le désert des Wahibas, pieds nus, à l'assaut de dunes de sable orangé ? Là même où Wilfred THESIGER, au milieu du XXème siècle a vécu plusieurs années, en véritable bédouin parmi les bédouins, afin de préciser les cartes géographiques, les implantations tribales, et surtout assouvir lui aussi son rêve de désert ? Cet Anglais, explorateur dans l'âme, a été un des premiers chrétiens à traverser, plus ou moins incognito, le "désert des déserts" qui étend son immensité entre le sultanat actuel et le royaume d'Arabie Saoudite. Et l'un des derniers à côtoyer bédouins et tribus avant l'exploitation pétrolière intensive qui allait tout bousculer...
Un mot, enfin pour évoquer plus précisément les palmiers du sultanat. On peut parler de monoculture ; à part un modeste Caryota aperçu devant le Palais du Sultan, deux ou trois cocotiers dans une marina à Mascate, peut-être quelques Washingtonia ici et là, c'est partout le règne sans partage et dominateur du palmier dattier ! Véritable richesse à tout point de vue ; d'abord les constructions traditionnelles (barasti) utilisent les palmes ; le stipe permet de réaliser des charpentes. Les palmes servent aussi à la confection de balais, de cordes et de quantité́ d'objets ; des coupes (utilisées pour recueillir le lait des chamelles) sont réalisées avec des feuilles tressées associées à du cuir de dromadaire. Sans oublier bien sûr l'essentiel : la production de dattes. Des variétés nombreuses, différentes par la taille, la couleur et la saveur. Compter sur une récolte par pied située entre 100 et 200 kg. Des palmeraies de ville (comme autour du fort de Nizwa) ou des palmeraies isolées au fond de wadis, plus ou moins cachées ; le Phoenix dactylifera est omniprésent dans le paysage omanais, et plus généralement sur toute la péninsule arabique.