Le Mystère du Black Stem (Par Olivier REILHES)
Une mission professionnelle à Antananarivo en janvier 2012 était l’occasion rêvée de percer le mystère du Black Stem, un mystérieux palmier découvert récemment dans la région d’Andasibe à l’Est de Madagascar, connu sous différentes appellations, Dypsis sp «Black Stem», Dypsis sp «black petiole» et ayant pour particularités un stipe intégralement noir, et un manchon, des pétioles et de jeunes palmes particulièrement colorées . L’une de ces appellations me présentait d’ailleurs la voie toute tracée pour le retrouver : Dypsis sp «Vakona Lodge», du nom de l’hôtel dans le jardin duquel il fut découvert.
Nous voici donc en ce samedi matin parés à l'aventure. Depuis Antananarivo, la route vers Andasibe me permet de découvrir les magnifiques paysages du Centre de Madagascar, alternance de rizières et de savanes aux couleurs éclatantes, ponctués par endroit de charmants villages traditionnels aux cases d’argiles. Au bout de 2 heures de route, plus que quelques kilomètres nous séparent du parc de Mantadia et du Vakona Lodge. La tension est à son comble, le Black Stem sera-t-il au rendez-vous ?
L’arrivée à l’hôtel est digne d’un sketch ! À peine garé, pas le temps de descendre les valises, Parany notre chauffeur saute de la voiture et court chercher le jardinier. Quelques mots échangés et ce dernier comprend rapidement l’urgence de la situation. Il nous emmène au pas de course dans un coin reculé du parc. Là, je découvre, émerveillé, l’objet de ma venue en ce lieu si reculé : le mystérieux Black Stem est là, face à moi, magnifique, encore plus beau que sur les photos trouvées sur Internet. Ses couleurs sont absolument incroyables : du noir profond de ses stipes au rouge orangé de ses pétioles. Il porte ça et là des grappes de fruits orange. Je suis en admiration...
Le lendemain matin, nous partons à la découverte de la forêt de Mantadia. Les petits bijoux de la flore malgache qui font tant rêver les «palmophiles» à travers le monde, et que j’espérais voir depuis si longtemps sont bien au rendez-vous. Le magnifique Dypsis louvelii aux palmes entières bifides et sa jeune palme rouge caractéristique, Dypsis concinna, semblable à de petits bambous aux stipes étonnamment duveteux, les minuscules Dypsis catatiana, Dypsis hildebrandtii, Dypsis heterophylla… La diversité des lieux est incroyable, je n’avais que rarement vu pareille richesse botanique ; voilà moins d’une heure que nous marchons et nous avons déjà pu observer près d’une dizaine d’espèces de palmiers.
Quelques Ravenea robustior nous ravissent. A chaque rencontre avec ces géants de la forêt, quelle émotion ! On se sent vraiment minuscule au pied d'un de ces monstres de près de 30 m de haut et de plus d'1 m de diamètre de stipe ; et l'apparition au loin de sa majesté dépassant allègrement de la canopée est toujours un émerveillement. Au fond d'un vallon, le long d'un cours d'eau, j'aperçois d'immenses Dypsis fibrosa (ou D. utilis) aux stipes à ramifications dichotomiques si caractéristiques. Les jeunes sujets ont la particularité d'avoir leur stipe couvert d'une épaisse couverture fibreuse.
La ballade arrive à son terme et par la même ce séjour en forêt malgache... Quand tout à coup, j'aperçois dans un sous-bois quelque chose d'inhabituel. Mes compagnons ne sont plus vraiment étonnés de me voir une nouvelle fois stopper le convoi et plonger tête baissée dans les broussailles. Et pourtant, la découverte sera cette fois-ci d'exception. Un stipe étonnamment sombre, lisse et brillant apparaît face à moi, surmonté d'un magnifique manchon foliaire presque blanc et d'une gracieuse et large couronne de fines palmes. Je savais ce palmier présent dans la zone, mais tellement rare que je n'osais imaginer le rencontrer. Et pourtant, il est bien là, somptueux, surement le plus beau palmier malgache qui soit : j’ai nommé Dypsis pilulifera, objet de tant de fierté des quelques rares collectionneurs qui ont la chance de le posséder, et de tant de convoitise des autres. J'engage évidemment une exploration méthodique de la zone, et finis par observer 4 autres spécimens, tous plus beaux les uns que les autres.
Mais cette fois-ci, il faut vraiment partir. Je quitte Madagascar la tête pleine d'images et de rencontres inoubliables. Une chose est sûre, je reviendrai, aussi vite que possible...