Le Massif du Tsaratanana,
dans les pas de Henri Perrier de La Bâthie
(Par Lauricourt GROSSET et Christian MARTIN
Photos Christian MARTIN et Marc MOREL)

En ce jeudi 04 novembre 2010, nous faisons la connaissance du chef d'expédition Aristide et de son adjoint Malaza qui veut dire célèbre et qui l'est déjà effectivement car les botanistes suisses qu'il a guidés dans le Tsaratanana en 2009 ont nommé une des espèces de Pandanus découvertes à cette occasion de son nom. Pour cette expédition, nous devons entamer notre expédition par le Sud et ressortir par l'Ouest en suivant la vallée du fleuve Sambirano avant les crues.
Après un trajet long et éprouvant par la N 6 vers le Sud, puis par la N 31 à partir d'Antsohihy, trajet au cours duquel nous sommes passés à côté de quelques Borassus aethiopum (ex B. sambiranensis) avant de traverser des hectares et des hectares de Bismarckia nobilis et d'Hyphaene coriacea, nous voici à Bealanana.

Trois jours de pistes chaotiques plus tard, les choses sérieuses commencent ; nous entamons la montée sur des crêtes couvertes de végétation secondaire rabougrie. De chaque côté dans les vallées s'épanouissent des Dombeya avec de superbes floraisons roses. Puis nous pénétrons en forêt. Nous découvrons de petits palmiers, Dypsis montana en fruits non matures, de majestueux Ravenea sambiranensis et un grand Dypsis qui pourrait être D. ampasindavae ou D. tsaravosira.
Le lendemain, c'est jour fady et nous ne pouvons pas continuer la montée. La journée est donc consacrée à l'exploration des alentours. Nous sommes en pleine forêt primaire, les arbres sont très hauts et les espèces sont nombreuses. Nous découvrons même deux espèces de Kalanchoe épiphytes sans doute non encore décrites. Il y a beaucoup d'orchidées non fleuries et une grande quantité de Ravenea sambiranensis aux troncs très élancés qui dépassent la canopée.

Jeudi 11 novembre, après un petit déjeuner vite expédié, ce sera cette fois-ci une succession de montées et de descentes oscillant entre 1800 et 2200 m d'altitude avec pour espèce dominante le palmier Dypsis heteromorpha sur des kilomètres carrés, laissant place par endroits à des bosquets d'arbres de petite taille couverts de mousses, de lichens et d'énormes touffes d'orchidées malheureusement non fleuries. Puis descente en forêt avec quelques orchidées en fleurs, une énorme touffe de vanille aphylle couvrant plusieurs m², un Dypsis cespiteux fort élégant (Dypsis tsaratananensis ?), des aloès,…
Le massif du Tsaratanana est peu visité ; les expéditions scientifiques s'y font rares. Bon nombre d'espèces sont encore à découvrir et à cataloguer. Le grand botaniste Henri PERRIER DE LA BÂTHIE à qui la flore de Madagascar doit tant, échoua à deux reprises (en décembre 1912 et décembre 1922) avant de connaître le succès en avril 1924. Notre (trop?) brève expédition nous a permis d'avoir une idée de l'incroyable richesse de cette région et de méditer sur les phrases de Philibert COMMERSON qui déclarait dans une lettre à LALANDE datée de 1771 :
« … Quel admirable pays que Madagascar ! Il mériterait seul non pas un observateur ambulant, mais des Académies entières. C'est à Madagascar que je puis annoncer aux naturalistes qu'est la terre de promission pour eux ; c'est là que la nature semble s'être retirée comme dans un sanctuaire particulier pour y travailler sur d'autres modèles que ceux où elle s'est asservie ailleurs ; les formes les plus insolites, les plus merveilleuses s'y rencontrent à chaque pas. »